Fin de vie…un sujet complexe qui mérite un débat de qualité

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Retrouvez la vidéo et le texte de mon intervention le 21 janvier dernier sur ce sujet si sensible de la fin de vie.

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, chers collègues, tous les sujets n’ont pas la même gravité : dans ce débat sur la fin de vie, nous avons une responsabilité particulière. Ce sujet est en effet à la fois complexe et très sensible ; il renvoie chacun d’entre nous aux expériences qu’il a vécues, aux conceptions de la vie et de la personne qui l’animent.

C’est avec beaucoup de prudence et même de modestie que nous devons entamer ce débat. Nous pouvons, à ce propos, nous féliciter du caractère serein, apaisé et dépassionné de nos échanges. Trop souvent en effet, ce sujet n’est débattu que lorsqu’un cas douloureux occupe l’actualité.
Il faut rappeler le contexte de notre débat. Il s’inscrit dans la suite de la loi de 2005, dite loi Leonetti, qui a défini un cadre juridique, médical et éthique adapté à la plupart des cas rencontrés et que de nombreux pays nous envient. Cette loi avait été adoptée à l’unanimité – unanimité dont il est bon de rappeler qu’elle était fondée sur le devoir de prendre soin de la personne en fin de vie de sorte qu’elle ne souffre pas.
Alors que cette loi avait seulement sept ans, ce qui est peu s’agissant d’un tel sujet, la campagne présidentielle a amené le candidat François Hollande à s’engager, sans doute imprudemment à faire évoluer cette législation. C’est dans ce contexte que différentes contributions ont été rédigées, notamment le rapport Sicard et les avis du Comité consultatif national d’éthique, le CCNE.

De ses réflexions se dégage avant tout la volonté très forte de garantir le respect de la dignité humaine, respect qui implique le soulagement de la souffrance, le refus de l’obstination déraisonnable, l’interdiction de l’euthanasie et la prévention de tout suicide.
À la suite de ces réflexions, une mission a été confiée à nos collègues Alain Claeys et Jean Leonetti, qui a abouti à la rédaction d’un rapport et d’une proposition de loi. À ce stade, je souhaite insister sur trois points cruciaux de ces textes : la culture palliative tout d’abord, les directives anticipées ensuite et la sédation terminale enfin.
Développer une culture palliative est une nécessité : nous ne pouvons tolérer plus longtemps le scandale – c’est le terme employé par le CCNE – que constitue l’abandon où sont laissées l’immense majorité des personnes en fin de vie.
Comme l’indique le rapport de MM Claeys et Leonetti, 20 % seulement des personnes qui devraient en bénéficier ont accès aux soins palliatifs. De plus, l’offre de soins palliatifs est caractérisée par de très fortes inégalités territoriales.
Il est donc urgent de promouvoir une politique publique ambitieuse en termes de soins palliatifs et de culture palliative. Cela passe notamment par un plan de développement des soins palliatifs, ambitieux dans ses objectifs mais surtout par les moyens humains et financiers qui seront dévolus à sa mise en œuvre.
Le développement d’une culture palliative passe aussi par la formation, tant initiale que continue, des personnels soignants. Il suppose également, comme le rapport Sicard le souligne, un exercice de la médecine qui en appelle à une conception unifiée et continue du soin, intégrant curatif et palliatif. Cela passe enfin par une réflexion sur l’évolution de notre politique de soins, qui doit intégrer les actes d’accompagnement dans la tarification médicale.
S’agissant des directives anticipées, j’ai quelques interrogations. Comment ne pas enfermer une personne dans une volonté qui peut varier au cours du temps et en fonction des circonstances ? Comme le souligne le rapport Sicard, des sursauts de volonté de vivre peuvent toujours se substituer à un renoncement anticipé. Il est en effet extrêmement difficile de rédiger ses directives alors qu’on est en bonne santé.
Peut-on vraiment se mettre à la place du malade que l’on sera quand on ne l’est pas encore ? Que savons-nous de ce que nous penserons, de ce que nous ressentirons lorsque nous vivrons réellement le moment de quitter ce monde ?
Ne risque-t-on pas, par ailleurs, en rendant ces directives trop contraignantes, de compliquer et d’altérer le dialogue indispensable entre le médecin, d’une part, et le malade et sa famille, d’autre part ?

Plus largement, nous devons aussi nous interroger sur la toute-puissance qui serait ainsi accordée à la volonté individuelle. Nous le savons, l’éthique de l’autonomie, quand elle n’a pas de limite, peut étouffer l’éthique de la vulnérabilité, cette éthique de la vulnérabilité qui nous conduit à penser et à agir en fonction de nos fragilités et non d’une conception abstraite de l’individu.

Je voudrais, pour terminer, évoquer ce point crucial qu’est la sédation préconisée par nos collègues. En effet, la « sédation profonde et continue jusqu’à la mort » va plus loin que le seul soulagement des souffrances du patient. Elle risque de nous faire basculer de la faculté de « soulager jusqu’à la mort » à celle de « donner la mort ».
Les propos de notre collègue Alain Claeys, tels qu’ils ont été rapportés par un quotidien en novembre dernier, sont à cet égard édifiants : « Nous proposons la possibilité d’une sédation profonde et terminale jusqu’au décès et dans un délai non déraisonnable. » Et il ajoutait : « Pour la première fois, nous parlons d’une sédation forte dans le but d’aider à mourir. » On le voit bien, l’intention ne serait plus de soulager le patient, au risque d’affaiblir son organisme et donc d’accélérer son décès, mais elle serait à la fois de soulager le patient et d’abréger sa vie, donc de donner la mort.
Il est indispensable que le texte de la proposition de loi précise l’objectif de l’acte de sédation, en rétablissant clairement la notion de double effet reconnue par la loi de 2005, mais évacuée dans le texte que nous devrions examiner dans quelques semaines.
On le voit, les débats que nous aurons permettront sans doute de clarifier les intentions contenues dans le texte qui nous sera proposé.

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