A tous ceux qui jouent avec le feu… par Henri Guaino

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J’ai eu le plaisir d’accueillir récemment Henri GUAINO. Par une tribune publiée dans Le Figaro, il nous invite à prendre conscience de la pente mauvaise que notre pays est en train de prendre. Texte éclairant dont vous trouverez ci-après la 1ère partie :

Adresse à tous ceux qui jouent avec le feu

“Je ne reconnais plus mon pays. Il y souffle un vent mauvais, un vent de colères, de divisions, d’antagonismes. Il arase ces digues que l’on nomme respect de l’autre, estime de soi, bienséance, civilité, et qu’une haute civilisation construit et reconstruit patiemment pour canaliser les pulsions et les passions humaines. Il attise un feu de violence et de haine qui couve sous la cendre d’une crise économique, sociale, identitaire aux conséquences profondément délétères sur la cohésion de notre société.

Comment vivre ensemble, comment se sentir solidaires, comment partager, si la détestation s’immisce dans tous les rouages de la société, dans toutes les relations, si elle transpire dans toutes les attitudes, dans tous les comportements ? Comment croire que la légitimité de nos institutions, de nos lois, la solidité de notre démocratie ne s’en trouveraient pas dangereusement affaiblies ?

Je ne reconnais plus mon pays. A qui la faute ?

Quand souffle ce vent mauvais qui précède toujours les grandes catastrophes de l’histoire, c’est à chacun de prendre davantage sur lui-même pour ne pas nourrir les antagonismes, ne pas creuser les fractures, pour apaiser, réconcilier. Chacun a sa part de responsabilité. Elle est d’autant plus grande que l’on occupe dans la société un rang plus élevé, que l’on y exerce un pouvoir plus important.

La démesure est le risque de tout pouvoir.
Elle commence quand un pouvoir ne se pose plus la question de sa propre limite, ne s’interroge plus sur les conséquences de ses actes.
Un pouvoir sans mesure est un pouvoir qui ne s’interroge jamais pour savoir jusqu’où il ne doit pas aller trop loin vis-à-vis de ceux qui sont en désaccord avec lui, un pouvoir qui n’a conscience que de ses droits et pas de ses devoirs.

Ce rappel vaut d’abord pour les politiciens. Si l’opposition a le devoir de ne pas se laisser aller à toutes les surenchères, de ne pas céder aux extrémistes qui veulent l’entraîner sur des voies où se perdrait son honneur, la majorité du fait du pouvoir qu’elle exerce a une plus lourde responsabilité encore. Que dire d’un pouvoir politique, d’une majorité qui, dans une société malade de toutes les crises, usent tous les jours de la provocation pour servir avec cynisme ses clientèles les plus extrêmes et radicaliser une partie du pays dans le seul but de se maintenir au pouvoir ?

Je l’ai dit jadis sous une autre majorité : chercher à dresser les Français, les uns contre les autres, conduit à la défaite morale et la défaite morale est toujours l’antichambre de la défaite politique. Depuis la seconde guerre mondiale, on n’a jamais vu la France aussi divisée et la radicalisation des idées et des comportements autant exacerbée par une entreprise de destruction sans précédent de toutes les institutions et les principes qui nous permettent de vivre ensemble. Ceux qui attisent ainsi les braises qu’ils avaient si solennellement promis d’éteindre, doivent être conscients qu’en mettant le feu, ils se brûleront aussi.

Je ne reconnais pas mon pays, ma France. Passionnée, emportée, mais pétrie d’humanisme et de valeurs universelles. Ou plutôt je reconnais dans le visage qu’elle prend, aujourd’hui, celui des mauvais jours, des déchirures et des drames, quand elle n’est plus elle-même, quand elle perd son âme.”

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